Un jouet de 10 $, voilà le point de départ d’un empire à 56 milliards $.
Il y a quinze ans, Wang Ning ouvrait à Pékin une petite boutique de gadgets. Aujourd’hui, il dirige PopMart, un géant mondial du jouet de collection. Son secret : comprendre ce qui déclenche le plaisir d’achat, la curiosité et le frisson de la rareté. Une mécanique simple, mais redoutable.
La boîte qui a changé la donne
En 2014, PopMart abandonne les bibelots traditionnels pour se concentrer sur un concept venu du Japon : la “blind box”. Le principe : on achète sans savoir quelle figurine se cache à l’intérieur. Cette incertitude crée du suspense, exactement comme un ticket à gratter ou un paquet de cartes à collectionner. Chaque ouverture devient un petit moment d’adrénaline.
Le modèle économique est brillant : une figurine coûte environ 3 ¥ à produire et se vend 69 ¥, soit dix dollars. Une marge brute de plus de 90 %. Pour compléter une série de 12 ou 13 modèles, un collectionneur doit souvent acheter plus de 130 boîtes. Résultat : une seule série équivaut à 1 300 $ de dépenses moyennes (Source : rapports financiers de PopMart 2022‑2025).
De Molly à Labubu, la renaissance d’une marque
PopMart s’est d’abord appuyée sur Molly, l’héroïne créée par l’artiste hongkongais Kenny Wong. Cette poupée aux airs de boudeuse a fait la fortune de l’entreprise. Mais, en 2022, le souffle retombe. Les ventes plongent de 85 % en Bourse. Une remise en question s’impose.
La réponse vient de Caseing Lung, illustrateur hongkongais. Son personnage, Labubu, mi‑elfe mi‑créature du folklore nordique, relance la machine. Dès 2024, les ventes bondissent. En 2025, PopMart affiche 14 milliards ¥ de revenus semestriels (+204 % sur un an) et 6 milliards ¥ de bénéfice d’exploitation, soit près de 820 millions $ (Source : PopMart, rapport S1 2025). Le titre se multiplie par 16 depuis le début de 2024. Le fondateur Wang Ning pèse désormais 23 milliards $, classé dixième fortune de Chine.
Le pouvoir de la rareté
Le génie de PopMart, c’est de transformer une contrainte en moteur d’achat. La rareté n’est plus un problème mais une promesse. Dans chaque série, un ou deux personnages secrets affichent des probabilités d’apparition inférieures à 3 %. Ce faible pourcentage rend chaque ouverture de boîte excitante. C’est le même type d’émotion que celle des joueurs face aux “loot boxes” des jeux vidéo.
Psychologiquement, cette stratégie joue sur trois leviers puissants :
- La gratification instantanée : le plaisir immédiat d’ouvrir la boîte.
- La curiosité : l’envie de “tomber” sur le modèle rare.
- La preuve sociale : montrer ses trouvailles sur les réseaux, renforcer le sentiment d’appartenance.
Résultat : un produit à 10 $ devient un objet de désir mondial.
300 boîtes, 1 million de vues
PopMart a conquis le monde non pas grâce à des campagnes publicitaires, mais par la force de sa communauté. Les vidéos d’ouverture (“unboxing”) font des millions de vues sur TikTok. Certaines accumulent plus de 100 000 partages. Les consommateurs se filment, comparent leurs tirages, échangent leurs doublons. Ce rituel numérique devient un jeu collectif.
Des célébrités comme Lisa (Blackpink) ou Rihanna montrent leurs collections sans partenariat officiel. Une vitrine gratuite et un ancrage émotionnel immédiat. Quand une marque déclenche des partages spontanés, elle n’a plus besoin de dépenser des fortunes en publicité (Source : TikTok, eBay, Wall Street Millennial).
Une expansion mondiale bien orchestrée
En 2025, PopMart compte 443 boutiques en Chine et 128 à l’étranger. Les points de vente hors de Chine génèrent déjà 40 % du chiffre d’affaires, malgré une part limitée dans le réseau global. Cela signifie une productivité moyenne par boutique deux fois supérieure. L’ouverture d’un magasin à Chicago, avec files d’attente à l’entrée, prouve que la demande n’est plus asiatique uniquement.
L’entreprise investit aussi dans le divertissement avec son parc “PopLand” à Pékin. Là encore, le principe reste le même : faire vivre l’expérience de la surprise et de la collection dans un espace physique.
Un modèle à la croisée du commerce et du jeu
Ce succès n’est pas un hasard. Le modèle associe :
- une structure de coûts faible ;
- une marge brute élevée ;
- une expérience client émotionnelle, nourrie par le hasard contrôlé.
En d’autres termes : PopMart vend moins des jouets que des moments de plaisir anticipé. Cette “gamification” pousse le taux de réachat vers des niveaux rarement atteints dans le retail traditionnel. Chaque client devient son propre moteur d’achat.
Ce que les entrepreneurs peuvent en tirer
Trois leçons méritent d’être retenues.
- Jouer avec la curiosité : susciter la surprise dans la relation client crée une émotion durable. Que ce soit une box, un email inattendu ou une offre limitée, la surprise renforce l’intérêt.
- Créer une boucle communautaire : les clients de PopMart ne se contentent pas d’acheter, ils participent. Ils montrent, commentent, échangent. Chaque marque peut encourager cette dynamique par la co‑création et le partage.
- Mesurer le bon indicateur : l’euphorie de la nouveauté ne dure pas. PopMart a connu l’essoufflement de Molly avant la renaissance de Labubu. L’innovation permanente reste vitale.
PopMart prouve qu’un concept local peut devenir global quand il s’appuie sur des réflexes humains universels : le jeu, la rareté, la surprise.
Et vous, quelle boîte êtes-vous prêt à ouvrir ?
Créer une marque forte, ce n’est pas seulement vendre un produit. C’est offrir une aventure émotionnelle. L’histoire de PopMart montre qu’une idée simple, quand elle capte le bon ressort psychologique, peut transformer une boutique de Pékin en empire mondial. Une bonne piqûre de rappel : innover, ce n’est pas forcément complexifier. Parfois, une surprise suffit.
Sources : rapports financiers PopMart 2022–2025, étude de marché chinoise 2021, Wall Street Millennial, TikTok, eBay.
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