IA : 75 % d’Américains redoutent la perte d’emplois, à tort ?

Ce chiffre réveille les peurs : selon Gallup, 75 % des adultes américains pensent que l’intelligence artificielle (IA) va détruire des emplois. Un sentiment partagé par beaucoup de salariés à travers le monde. Elon Musk parle même de « force la plus disruptive de l’histoire ». Pourtant, certains économistes nuancent. David Autor, professeur au MIT et spécialiste du travail, y voit une rupture qui pourrait rebâtir la classe moyenne. Oui, l’IA pourrait créer plus d’emplois qu’elle n’en supprime — à condition de l’utiliser intelligemment.

Un parallèle historique éclairant

Regardons en arrière. Au XIXe siècle, les Luddites, artisans anglais, ont détruit les métiers à tisser mécaniques. Leur peur ? Perdre leurs savoir-faire et leurs revenus. Ils avaient raison sur le changement, pas sur sa direction : la Révolution industrielle n’a pas fait disparaître le travail, elle l’a transformé.

Durant les premières décennies, la productivité bondit mais les salaires stagnent. Le travail artisanal, exigeant en savoir-faire, laisse place au travail à la chaîne. Les ouvriers suivent le rythme des machines. Puis, la complexité croissante des procédés crée de nouveaux besoins : opérateurs, comptables, employés de bureau. Une expertise de masse émerge. Ces emplois intermédiaires soutiennent la croissance et l’ascension sociale pendant près d’un siècle.

De l’informatique à la polarisation

La révolution numérique des années 1970‑1980 change la donne. Les ordinateurs automatisent les tâches répétitives de production et de bureau. Résultat : la structure du travail se polarise. Au sommet, les cadres et ingénieurs voient leurs compétences renforcées. À la base, les services peu qualifiés se multiplient. Entre les deux, les emplois intermédiaires s’effritent. La mobilité ralentit. Les inégalités se creusent (Source : MIT, Bureau of Labor Statistics).

Cette fracture a marqué durablement le marché du travail. Beaucoup d’entre nous en constatent encore les effets : salariés formés mais coincés dans des postes sans perspectives, métiers de bureau standardisés, précarité dans les services.

L’IA, une rupture différente

Cette fois, la technologie change de nature. L’IA n’exécute pas des règles programmées, elle apprend par l’expérience. Elle reconnaît des motifs, formule des hypothèses, ajuste ses choix. Dit autrement, elle raisonne par exemple, pas par instructions. C’est une différence majeure. Elle ouvre la porte à une augmentation de la capacité humaine plutôt qu’à sa substitution pure et simple.

Prenons un exemple concret : les infirmiers praticiens (nurse practitioners) aux États‑Unis. Grâce aux dossiers médicaux électroniques et aux logiciels d’aide au diagnostic, ils effectuent aujourd’hui des actes réservés, il y a vingt ans, aux médecins. Ce nouveau corps intermédiaire a élargi l’accès aux soins, sans sacrifier la qualité. C’est exactement ce scénario que David Autor imagine pour d’autres professions : assistants juridiques, techniciens, aides‑soignants, enseignants. Avec les bons outils, ces métiers peuvent gagner en autonomie et en responsabilité.

Démocratiser l’expertise

L’idée centrale est simple : si l’IA rend accessible une part du savoir réservé aux plus diplômés, elle peut réduire les inégalités plutôt que les creuser. Autor parle de « démocratisation de l’expertise ». Cela suppose une condition : former les salariés pour qu’ils deviennent partenaires de ces outils, pas simples exécutants.

Imaginons un technicien qui, grâce à un modèle d’IA, identifie des pannes complexes sans ingénieur à ses côtés. Ou un assistant juridique capable de préparer un dossier solide en s’appuyant sur une base de jurisprudence automatisée. Ce n’est pas de la science-fiction : ces usages existent déjà dans certaines entreprises. Et ils transforment les postes intermédiaires en véritables métiers de décision.

Un risque à surveiller

Comme chaque révolution technologique, celle‑ci a ses gagnants et ses perdants. Si l’IA améliore surtout la productivité des experts déjà performants, elle accentuera les écarts. Si, au contraire, elle renforce la capacité des travailleurs moyens, elle rapprochera les niveaux de compétences. Les premières expérimentations sont encourageantes : des outils d’IA ont permis de réduire de moitié les écarts de performance entre novices et confirmés dans des activités comme la rédaction de rapports, le support client ou l’analyse de données (Source : NBER, 2023).

Mais tout dépend de la stratégie des entreprises. Utiliser l’IA pour supprimer des postes ou pour enrichir les compétences, ce n’est pas la même logique. La première approche réduit les coûts à court terme ; la seconde construit du capital humain et de la fidélité. Les dirigeants le savent : une équipe formée et autonome reste toujours plus performante.

Les secteurs les plus concernés

Trois secteurs apparaissent en première ligne :

  • La santé : diagnostic assisté, suivi personnalisé, analyse d’imagerie. L’IA peut soulager les médecins et augmenter le rôle des praticiens intermédiaires.
  • Le droit : tri de documents, recherche de précédents, rédaction préliminaire. Les juristes juniors peuvent gagner en profondeur d’analyse.
  • L’éducation : recommandations d’apprentissage, feedbacks automatisés. Les enseignants peuvent concentrer leurs efforts sur la pédagogie humaine.

Ces changements ne suppriment pas les besoins. Au contraire, ils les élargissent. Plus d’accès signifie plus de demandes de services. C’est une spirale vertueuse.

Ce que cela change pour nous

Pour les professionnels de l’emploi, c’est un moment clé. Nous devons accompagner cette transformation, anticiper les formations, encourager la montée en compétence. Les RH ont un rôle central : cartographier les compétences réutilisables, valoriser les profils hybrides, soutenir la reconversion.

Une infirmière devenue coordinatrice grâce à des outils d’analyse ; un agent de maintenance formé à l’interprétation de données ; un assistant commercial capable de rédiger des offres avec un appui IA : ce sont ces parcours qu’il faut encourager. Ils prouvent que la frontière entre qualification et non‑qualification devient plus floue.

Un pari réaliste

David Autor le rappelle : les révolutions industrielles passées ont successivement pénalisé les artisans, puis les employés de bureau. L’IA pourrait être la première à bousculer les plus qualifiés… tout en renforçant le potentiel des autres. En somme, un rééquilibrage bienvenu. Pas une utopie, mais un cap à tracer.

La clé du succès tiendra à trois leviers :

  • Formation continue : développer les compétences décisionnelles.
  • Partage des outils : rendre l’IA accessible à tous les métiers.
  • Encadrement éthique : garantir équité et transparence.

Ces leviers ne dépendent pas d’une loi, mais d’une volonté collective. Entreprises, salariés, institutions : chacun peut agir.

Conclusion : de la peur à la maîtrise

La peur de l’IA est compréhensible. Mais elle ne doit pas nous paralyser. L’histoire montre que chaque choc technologique ouvre un nouveau champ d’opportunités. L’enjeu, aujourd’hui, n’est pas de freiner l’IA, mais d’en faire un levier d’inclusion. Former, expérimenter, partager : ce sont les trois verbes du futur du travail.

À nous, acteurs de l’emploi, d’orienter cette mutation. Pour que la prochaine génération de travailleurs dise peut‑être : « Grâce à l’IA, nous avons retrouvé la promesse d’un métier qui fait sens. »


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