1720 : la ruée de la rue Vivienne, première crise financière française

Un attroupement rue Vivienne, quinze morts, une panique monétaire. Voilà comment la France découvre, en 1720, les ressorts d’une bulle spéculative. Trois siècles plus tard, cet épisode reste une leçon précieuse sur la puissance de la confiance dans l’économie.

Une expérience audacieuse dans un royaume épuisé

1716. Le royaume de France sort ruiné des guerres de Louis XIV. La dette publique dépasse deux milliards de livres, soit dix années de recettes fiscales. Le Régent, Philippe d’Orléans, fait alors appel à un Écossais visionnaire : John Law.

Law n’est pas un inconnu. Financier, mathématicien, théoricien du crédit, il imagine un mécanisme inédit : créer de la monnaie à partir de la confiance et de la dette. Sa conviction : plus de monnaie en circulation = plus de commerce et donc plus de richesse. Il propose une solution moderne avant l’heure.

Le pari du papier-monnaie

Law fonde la Banque générale, une institution privée qui commence à émettre des billets en papier, garantis par des titres de dette publique. Un pari audacieux pour l’époque. En 1719, l’État se porte garant de ces billets : la Banque devient alors Banque royale. L’espoir renaît : les échanges se fluidifient, les paiements se simplifient, la confiance s’installe.

Un particulier peut désormais régler un achat important sans se déplacer avec de lourds sacs d’écus. Un marchand, lui, profite d’un crédit plus souple. Pour un royaume fatigué par la guerre, cette innovation a des allures de révolution.

Le rêve du Mississippi

En parallèle, Law lance la Compagnie d’Occident, future Compagnie du Mississippi. Il promet monts et merveilles en Louisiane, présentée comme une terre d’or, de fourrures et de promesses. Les actions de la Compagnie sont payables avec les fameux billets d’État. Résultat : la dette du royaume baisse, du moins en apparence. L’engouement est immédiat.

De 500 livres, le cours des actions s’envole à plus de 9 000 livres. Paris s’enflamme. Les investisseurs s’arrachent les titres comme aujourd’hui on se précipite sur une start-up prometteuse. Les échanges se multiplient dans le quartier du Palais-Royal. On dit que certains domestiques deviennent riches en quelques semaines, tandis que des notables vendent tout pour spéculer sur le Mississippi.

Une fièvre spéculative incontrôlée

En janvier 1720, John Law devient contrôleur général des Finances. Il a littéralement la main sur tout : la monnaie, la dette, les impôts et le commerce extérieur. Un pouvoir immense concentré entre les mains d’un seul homme. La confiance est totale. Trop totale.

Mais un système fondé uniquement sur la croyance finit toujours par s’épuiser. Certains investisseurs, inquiets, veulent convertir leurs billets en or. L’or devient rare. Les rumeurs circulent. Le doute s’installe. Or la monnaie papier repose justement sur une chose fragile : la confiance collective.

17 juillet 1720 : la panique

Ce jour-là, une foule dense s’amasse devant la Banque royale, rue Vivienne. Chacun veut récupérer ses pièces métalliques avant qu’il ne soit trop tard. La tension monte. La cohue devient inévitable. On compte une quinzaine de morts. Ce drame symbolise l’effondrement du « Système de Law ».

Incapable de rendre tout l’or promis, la Banque ferme ses guichets. La bulle éclate. Le rêve du papier-monnaie se transforme en cauchemar financier. Des fortunes s’évaporent, la confiance disparaît, et la France découvre brutalement les limites de l’innovation financière sans garde-fous.

Les conséquences : méfiance et réformes

Cette crise laisse une empreinte durable. L’aristocratie et la bourgeoisie, ruinées, se jurent de ne plus toucher à un billet de banque. Cette méfiance vis-à-vis de la monnaie-papier durera jusqu’au XIXe siècle. Même Napoléon, un siècle plus tard, devra redoubler d’efforts pour réhabiliter l’usage du papier comme instrument monétaire.

Mais le pouvoir politique tire une leçon utile. En 1724, un arrêt fonde officiellement la Bourse de Paris. Objectif : encadrer les échanges et éviter les dérives. Les opérations à terme, jugées trop risquées, sont interdites – du moins officiellement – jusqu’en 1885. Paris devient alors le nouveau centre financier du pays, supplantant Lyon dans le négoce et l’escompte des effets de commerce (Sources : archives économiques nationales, arrêt du 24 septembre 1724).

Ce que l’histoire nous enseigne

Pourquoi cet épisode du XVIIIe siècle nous parle encore aujourd’hui ? Parce qu’il résume une mécanique intemporelle : celle de la confiance économique. Hier comme aujourd’hui, les marchés fonctionnent dès lors que les acteurs croient en la valeur de ce qu’ils échangent. Dès que cette croyance vacille, le système tout entier s’enraye.

L’exemple du Système de Law éclaire aussi nos débats modernes sur la régulation financière, les cryptomonnaies ou les bulles spéculatives. En 1720, l’innovation monétaire a précédé la régulation. Trois siècles plus tard, c’est encore notre défi collectif : faire cohabiter innovation et sécurité financière.

Une leçon de modernité

Si l’on regarde sans jugement, Law a été un précurseur. Son idée d’associer crédit, commerce et création monétaire anticipe des notions aujourd’hui centrales : la relance par la liquidité, la titrisation de la dette publique, la foi dans la monnaie d’État. Il a incarné l’optimisme économique… avant d’en révéler les dangers.

Pour nous, acteurs économiques, cet épisode rappelle une évidence : tout système repose sur la confiance. Dans la finance comme dans l’entreprise, la confiance est la seule ressource qui, une fois perdue, ne se regagne qu’à pas comptés.

Le 17 juillet 1720, Paris n’a pas seulement vécu la première panique boursière française. Elle a découvert la mécanique du capitalisme moderne : l’équilibre entre croyance, risque et régulation. Trois siècles plus tard, cet équilibre reste notre boussole.

En résumé

  • 1720 : le Système de Law s’effondre après une panique monétaire.
  • La crise provoque la mort de plusieurs personnes lors d’une ruée rue Vivienne.
  • La France découvre la fragilité d’un système fondé sur la seule confiance.
  • L’échec entraîne la création de la Bourse de Paris pour encadrer les échanges.
  • Trois siècles plus tard, la leçon reste la même : sans régulation, la confiance s’évapore.

Comme tout investisseur ou décideur, souvenons-nous : la finance n’est pas qu’affaire de chiffres. Elle est d’abord affaire de confiance et de responsabilité collective.


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