1 200 agences publiques : faut-il vraiment toutes les garder ?

Imaginez une carte de France qui recenserait l’ensembles de structures publiques : agences, observatoires, comités, caisses… Cette carte serait impossible à lire, c’est certain. Bienvenu dans l’enfer administratif français.

Un empilement devenu illisible

Selon les travaux de la commission d’enquête sénatoriale (février 2025), l’État compte aujourd’hui plus de 1 200 organismes publics : 103 agences, 434 opérateurs, 317 organismes consultatifs. Sans même évoquer les structures annexes créées au fil des réformes. Cette architecture, née de bonnes intentions, a fini par brouiller les repères.

Le sénateur parle de « guide du routard de la bureaucratie française ». L’expression fait sourire, mais elle dit beaucoup du malaise ambiant. Trop d’acteurs, trop de missions qui se chevauchent, trop de strates. Résultat : les élus locaux se perdent dans le maquis administratif et les deniers publics se diluent dans des frais de structure considérables.

À l’heure où chaque budget est scruté à l’euro près, la question devient incontournable : faut-il continuer à financer tout cet empilement ?

Des agences créées pour pallier des faiblesses réelles

Henry Préveau, magistrat à la Cour des comptes, n’a pas esquivé. Il a rappelé que les agences ne sont pas nées d’un caprice bureaucratique. Elles répondent souvent à une carence : celle des petites et moyennes préfectures, trop souvent dépourvues d’ingénieurs, d’experts en aménagement ou de spécialistes du numérique.

Pour lui, l’ANCT agit comme une « boîte à outils » au service des territoires : elle aide les préfets à concrétiser les projets de rénovation de centres-bourgs, de revitalisation des zones rurales ou d’inclusion numérique. Autrement dit, elle mutualise des compétences que beaucoup de collectivités ne peuvent pas se payer seules.

Un exemple parlant : la plateforme « Mon espace collectivité ». En quelques clics, une mairie peut y trouver des modèles de conventions, des guides pratiques ou des services de conseil à distance. L’expérimentation menée dans cinq départements a réuni 222 collectivités (Source : rapport sénatorial, juillet 2025). Moins de papier, plus d’efficacité, et surtout un gain de temps pour les équipes locales. Voilà une simplification concrète.

Le dilemme budgétaire : simplifier sans casser

Mais là réside tout le paradoxe : comment rationaliser sans désorganiser ? Supprimer une agence, c’est aussi risquer de désarmer les territoires qui comptent sur son appui technique. Le diagnostic des sénateurs rejoint celui de nombreux économistes : l’État a accumulé des structures sans toujours les articuler entre elles. Ce n’est pas tant le nombre d’institutions qui étouffe la dépense publique, mais leur coexistence inefficiente.

Il faut donc revisiter la carte, pas seulement réduire les effectifs. Identifier les doublons. Fusionner les missions qui se répètent. Clarifier les rôles. En somme, simplifier intelligemment.

Les DREAL, les ARS, les agences de santé, de cohésion, d’environnement, d’innovation… toutes ont été pensées pour répondre à un besoin. Mais leur coordination, souvent insuffisante, génère des lenteurs et des coûts cachés. Le Premier ministre l’a reconnu : il est temps de « mieux répartir les compétences et de réformer l’État » (discours de politique générale, 2025).

Réformer : trois leviers concrets pour agir vite

  • 1. Cartographier les missions réelles : Un inventaire unique, centralisé, recensant les fonctions, budgets et personnels de chaque agence. Cet outil de transparence manque cruellement aujourd’hui.
  • 2. Fusionner les dispositifs proches : Par exemple, regrouper les agences d’appui territorial sous une bannière unique, avec des antennes locales modulables. Une logique de réseau plutôt que de multiplicité.
  • 3. Instaurer une évaluation systématique : Chaque établissement public doit prouver sa valeur ajoutée sur la base d’indicateurs vérifiables (délai de traitement, nombre de projets finalisés, économies réalisées).

Ces pistes ne visent pas à opposer économie et service public. Elles invitent à repenser le fonctionnement de l’action publique pour qu’elle garde du sens, de la proximité et de l’impact.

Territoires : le besoin de l’État n’a pas disparu

Dans certains territoires fragiles, supprimer l’appui d’une agence reviendrait à couper le dernier lien technique avec l’État. Les communes rurales, souvent démunies face aux appels à projets, manquent d’ingénierie. Elles ont besoin d’une structure d’appui, agile et partagée, pas d’une usine administrative. Là encore, la question n’est pas de savoir si l’ANCT doit continuer à exister, mais comment elle doit évoluer.

Un maire m’expliquait récemment : « Quand je monte un dossier de rénovation énergétique, l’agence m’aide à éviter les erreurs coûteuses ». Ce genre de témoignage nous rappelle que supprimer une structure sans alternative solide, c’est parfois dépenser plus demain que ce qu’on croit économiser aujourd’hui.

Numériser l’action publique : une voie crédible

La dématérialisation offre une opportunité rare : mutualiser sans multiplier. Des plateformes comme « Mon espace collectivité » montrent que le numérique peut réduire l’épaisseur administrative. Plus besoin que chaque préfecture ou chaque agence conçoive son propre système. Une interface unique, bien pensée, fluidifie les échanges et limite les coûts.

Encore faut-il accompagner les agents, former les élus et adapter les procédures. Trop souvent, la numérisation s’est ajoutée à la bureaucratie existante au lieu de la remplacer. Là encore, la clé est de remplacer, pas cumuler.

Moins d’agences, plus de lisibilité

Ce débat dépasse largement l’ANCT. Il nous oblige à revoir la manière dont nous concevons la puissance publique. Si chaque problème engendre une agence, alors chaque solution devient une ligne budgétaire de plus. C’est un cercle vicieux. L’État ne doit pas tout faire, il doit mieux faire.

Nous devons passer d’une logique d’empilement à une logique de plateforme coordonnée. Cela implique de déléguer davantage aux territoires, de responsabiliser les acteurs locaux, et de privilégier la coopération interservices plutôt que la juxtaposition d’entités indépendantes.

Conclusion : réformer sans défaire

Réduire les dépenses publiques ne consiste pas à couper aveuglément. C’est un travail d’orfèvre. Il s’agit d’éliminer les doublons, d’intégrer les outils utiles, et de mesurer la performance réelle de chaque structure. En clair : réformer sans défaire.

Le moment est propice. La contrainte budgétaire, loin d’être un frein, peut devenir un levier de modernisation. En redéfinissant nos priorités, nous pouvons restaurer la cohérence d’un État qui agit là où il crée de la valeur.

La France n’a pas besoin de plus d’agences. Elle a besoin de meilleures agences, plus ciblées, plus connectées, plus proches des citoyens. C’est à ce prix que la dépense publique retrouvera son sens. Et que la confiance entre l’État et les territoires s’en trouvera renforcée.


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